Il y a quelques jours, je profitais de ma critique de Cloud Atlas
pour vanter les mérites et les qualités d’une des œuvres
cinématographiques les plus impressionnantes de ces dernières années.
Une œuvre d’ailleurs tellement riche et exigeante qu’il est assez
difficile de véritablement l’apprécier à sa juste valeur lors du premier
visionnage. C’est pourquoi j’ai eu l’envie aujourd’hui de revenir sur
le film et de lui consacrer un article entier. Un article qui aurait
pour but de poser les bases de l’histoire et de donner quelques clés
d’interprétation de façon à ce que tous ceux qui le désirent puissent le
revoir avec un autre regard. Chacun étant libre en finalité
d’interpréter le film comme il le souhaite, même si le message qui s’en
dégage en définitive est plutôt clair. Bien sûr, pour ceux qui
voudraient absolument tout comprendre, l’idéal est encore de lire le
roman duquel est adapté le film car cet article ne répondra
volontairement pas à toutes les questions.
Pour rappel, Cloud Atlas est l’adaptation cinématographique du roman éponyme de David Mitchell, réalisé par Lana et Andy Wachowski ainsi que Tom Tykwer.
L’histoire du film est relativement dense puisque celle-ci est composée
de 6 récits s’étendant sur 5 siècles et se situant dans plusieurs
espaces-temps. Dans ces différents récits, des êtres se croisent et se
retrouvent d’une vie à l’autre, naissant et renaissant successivement.
Tandis que leurs décisions ont des conséquences sur leur parcours, dans
le passé, le présent et l’avenir lointain, un tueur devient un héros et
un seul acte de générosité suffit à entraîner des répercussions pendant
plusieurs siècles et à provoquer une révolution. Tout, absolument tout,
est lié.Pour bien comprendre les nombreuses intrigues du film, je pense tout d’abord qu’il est indispensable de parfaitement distinguer les différentes époques de l’histoire ainsi que les personnages importants s’y rapportant. Ce n’est certainement pas le point le plus compliqué mais l’enchevêtrement des récits peut facilement prêter à confusion au début. Une petite précision chronologique semble donc nécessaire pour ne rien perdre des événements et de leur dénouement. Et ainsi pouvoir apprécier le film dès ses premières minutes sans avoir à cogiter pendant des lustres sur le lieu de l’action et l’identité des protagonistes. A noter que les dates indiquées correspondent à celles de l’histoire du livre et diffèrent parfois très légèrement de celles mentionnées dans le film (je me demande bien pourquoi d’ailleurs). Même chose pour le lieu du second récit dans le film qui diffère quelque peu de celui du livre. Néanmoins, rassurez-vous, cela ne change absolument rien à l’histoire globale et à sa compréhension générale.






A première vue, ces 6 époques sont donc totalement distinctes l’une de l’autre et les différents personnages ne semblent pas avoir le moindre lien entre eux. Et pourtant, plusieurs éléments les unissent parmi lesquels notamment une tache de naissance en forme de comète que tous les héros portent à différents endroits de leur corps. A la poitrine pour Adam Ewing, dans le bas du dos pour Robert Frobisher, à la clavicule pour Luisa Rey, à la cuisse pour Timothy Cavendish, dans le cou pour Sonmi-451 et enfin à l’arrière de la tête pour Zachry. Ce symbole, et le fait que tous les personnages principaux de chaque récit le portent, n’est évidemment pas sans signification, j’y reviendrai un peu plus tard.
Ensuite, un autre élément fait également la jonction entre les différentes époques, il s’agit du matériau qui informe chaque personnage du parcours de son prédécesseur. Ainsi, le journal de bord écrit par Adam Ewing dans le premier récit est trouvé et lu dans le second récit par Robert Frobisher, dont la correspondance épistolaire avec Rufus Sixsmith est à son tour lue dans le troisième récit par la journaliste Luisa Rey. L’enquête de cette journaliste arrive dans le quatrième récit sous forme de manuscrit dans les mains de l’éditeur Timothy Cavendish, dont les aventures sont découvertes dans le cinquième récit via un film par Sonmi-451, dont le message holographique enfin parvient dans l’ultime récit au sauvage Zachry. Un personnage qui, si on veut aller encore plus loin, transmet lui aussi son aventure aux générations futures par le biais d’une histoire.

- Ainsi, en 1849, Adam Ewing se bat contre l’esclavage qui ronge la société. D’abord en venant en aide à l’esclave Autua qu’il rencontre lors de sa traversée du Pacifique. Et ensuite lorsqu’il décide, une fois revenu à San Francisco, de quitter les affaires familiales de son beau-père Haskell Moore (Hugo Weaving) pour rejoindre les abolitionnistes.
- En 1931, Robert Frobisher combat le fascisme qui transparaît au travers du personnage de Tadeusz Kesselring (Hugo Weaving), le confrère de Vyvyan Ayrs qui passe à Zedelghem écouter ses nouvelles compositions et qui se montre intolérant envers tout ce qui sort un tant soit peu de la normalité. Frobisher ayant une sexualité différente de la plupart des gens, il se trouve rapidement impliqué au cœur de cette lutte.
- En 1975, la journaliste Luisa Rey lutte contre le capitalisme symbolisé par la compagnie nucléaire qui tente d’augmenter radicalement son pouvoir et ses bénéfices en passant sous silence certaines informations capitales et en faisant disparaître toutes les personnes voulant rétablir la vérité (Rufus Sixsmith, Isaac Sachs…). Le mal est ici caractérisé par le tueur Bill Smoke (Hugo Weaving) dont Luisa doit se défaire pour pouvoir dévoiler le complot au grand jour.
- Par la suite, en 2012, le mal dont souffre Timothy Cavendish n’est autre que la privation de libertés que représente la maison de retraite. D’abord content de la rejoindre pour échapper à la réalité, il lutte ensuite contre l’infirmière Noakes (Hugo Weaving) pour retrouver sa liberté.
- Plus tard, en 2144, dans un univers dystopique où tout n’est qu’illusion et asservissement, Sonmi-451 lutte pour pouvoir être considérée comme les autres et disposer des mêmes droits que quiconque. Avec l’aide d’Hae-Joo Chang, elle s’oppose au système bureaucratique incarné par l’abominable Boardman Mephi (Hugo Weaving) et devient le symbole de la rébellion afin que tout le monde sache le sort funeste qui est secrètement réservé à ses semblables.
- Enfin, en 2321, dans un futur post-apocalyptique, Zachry ne se bat pas contre un mal, ou pour un idéal, mais mène une lutte intérieure caractérisée par la manifestation du Vieux Georgie (Hugo Weaving), une sorte de conscience maléfique qui symbolise toutes ses faiblesses d’homme en cherchant à les exploiter. Son combat est donc tout autant une lutte pour la liberté qu’une lutte pour la rédemption. Heureusement, il peut compter sur le soutien de Méronyme pour en venir à bout.

Mais c’est davantage en se concentrant sur le destin réservé aux différents personnages joués par un même acteur que la notion de réincarnation s’impose véritablement. En effet, on peut par exemple constater que certaines âmes restent pratiquement inchangées tout au long de l’histoire. C’est le cas notamment des personnages joués par Jim Sturgess et Doona Bae qui sont amoureux en 1849 sous les traits d’Adam Ewing et Tilda, et qui se retrouvent en 2144 sous les traits d’Hae-Joo Chang et Sonmi-451. Ou encore des nombreux personnages joués par Hugo Weaving qui constituent, quelle que soit l’époque, des personnages hostiles au héros. Alors que d’autres évoluent en fonction des récits. C’est le cas des personnages interprétés par Tom Hanks qui s’améliorent avec les années, allant de l’infâme Henry Goose en 1849 au bienveillant Zachry en 2321, en passant par le brave Isaac Sachs en 1975. Ou encore aux personnages de Hugh Grant qui suivent la courbe inverse puisqu’ils sont plutôt bons au départ et carrément mauvais à la fin. Si cet aspect du film vous intéresse, je vous invite à consulter la chouette infographie, réalisée par le site Cineblend.com, qui décrit la trajectoire des différents personnages tout au long de l’histoire.

J’espère en tout cas que cet article vous aura permis de mieux percevoir les différentes époques de l’histoire ainsi que les différents enjeux liés aux personnages, et vous aura également donné envie, pourquoi pas, de revoir le film avec un autre regard. Je le recommande en tout cas vivement car il s’agit d’un récit tellement riche que plusieurs visionnages sont vraiment nécessaires pour pouvoir apprécier le film comme il se doit. D’autant plus que, je le rappelle, cet article vise surtout à distinguer précisément les différents récits et personnages qui agrémentent le film, ainsi qu’à donner quelques clés d’interprétation pour que chacun puisse rapidement rentrer dans l’histoire. Je ne réponds donc volontairement pas à toutes les questions et beaucoup d’autres mystères sont encore à découvrir. ;)